Qu’est-ce que le syndrome de Diogène ? Une réalité humaine et sociale bien plus complexe qu’on le croit
Un trouble souvent incompris, mais bien réel
Le terme syndrome de Diogène évoque des images-choc : appartements envahis de détritus, isolement total, conditions de vie insalubres. Mais derrière ces scènes spectaculaires se cachent des histoires humaines profondément douloureuses, souvent invisibles. À Marseille, comme ailleurs, ce phénomène existe, parfois même juste à côté de chez soi, sans qu’on s’en aperçoive. Cet article propose de comprendre ce qu’est réellement ce syndrome, dans sa définition médicale et psychosociale, à travers ses symptômes caractéristiques, ses différences avec le trouble de l’accumulation compulsive, et surtout, sa présence réelle dans la société marseillaise.
Définition médicale et psychosociale du syndrome de Diogène
Le syndrome de Diogène n’est pas une maladie psychiatrique au sens strict du DSM-5 (manuel de référence en psychiatrie), mais un syndrome comportemental complexe, qui regroupe plusieurs troubles.
Origine du terme
Il a été nommé ainsi dans les années 1970 par des gériatres britanniques, en référence au philosophe grec Diogène de Sinope, qui vivait dans un tonneau et prônait un rejet total des conventions sociales. Toutefois, l’usage du nom est inapproprié sur le plan philosophique : Diogène était lucide et volontairement détaché du monde matériel, alors que les personnes atteintes de ce syndrome subissent leur condition.
Une combinaison de troubles
Le syndrome de Diogène se caractérise par :
-
Négligence extrême de l’hygiène personnelle et domestique
-
Accumulation massive de déchets ou d’objets (sans logique utilitaire)
-
Isolement social profond, souvent volontaire
-
Déni du problème, parfois accompagné de méfiance envers les aides proposées
-
Refus des soins médicaux ou sociaux
Ce syndrome touche souvent les personnes âgées, mais pas exclusivement. Il n'est pas toujours lié à une pathologie mentale spécifique, bien qu’il puisse coexister avec :
-
Démences (comme Alzheimer)
-
Troubles de la personnalité
-
Dépressions sévères
-
Psychoses chroniques
La source INSEE signale que les personnes âgées vivant seules sont particulièrement exposées à ce type de syndrome, en raison de l’isolement social croissant et du vieillissement de la population.
Symptômes typiques du syndrome de Diogène
Voici les signes les plus fréquemment observés :
1. L’insalubrité extrême du lieu de vie
Les logements sont surpeuplés de déchets, de détritus, d’objets hétéroclites. L’environnement est souvent infesté (rats, cafards), et l’accès aux toilettes ou à la cuisine devient impossible.
2. L’auto-négligence
Les personnes atteintes peuvent rester plusieurs années sans se laver, sans changer de vêtements, avec des problèmes dermatologiques ou infectieux sévères.
3. L’isolement relationnel
Elles coupent toute communication avec leurs proches. Les appels, visites ou lettres restent sans réponse. Souvent, les voisins sont les premiers à constater un changement.
4. Le refus de toute aide extérieure
Même en cas d’intervention des services sociaux ou médicaux, le refus est massif. Le déni du trouble est profond, ce qui rend toute action thérapeutique ou sociale complexe.
5. L’accumulation anarchique
Contrairement à une collection organisée, l'accumulation n’a ici aucune logique fonctionnelle ou affective claire : objets cassés, journaux, emballages, mégots, aliments périmés…
Différences avec le trouble de l’accumulation compulsive (hoarding disorder)
Bien que souvent confondu, le syndrome de Diogène n’est pas synonyme de syllogomanie, nom médical de l’accumulation compulsive.
1. Conscience du trouble
Les personnes atteintes de trouble d’accumulation ont souvent conscience du problème, mais sont dans l’impossibilité psychique d’y remédier. Au contraire, les individus souffrant du syndrome de Diogène sont dans un déni total de la situation.
2. L’objet de l’accumulation
Dans le trouble hoarding, les objets conservés ont une valeur émotionnelle, symbolique ou utilitaire. Dans le syndrome de Diogène, l’accumulation est plus souvent chaotique, sans tri, parfois même constituée de déchets.
3. Le niveau de négligence
L’auto-négligence est beaucoup plus prononcée dans le syndrome de Diogène : hygiène corporelle, refus de soins, désocialisation extrême, alors que dans la syllogomanie, le trouble reste plus centré sur les objets.
4. L’âge et le contexte
La syllogomanie peut apparaître à tout âge, parfois dès l’adolescence. Le syndrome de Diogène, lui, survient le plus souvent après 60 ans, dans un contexte de dépression, de perte d’autonomie ou de rupture sociale.
La réalité du trouble à Marseille : Un phénomène invisible mais bien présent
Marseille : une ville concernée par le vieillissement et l’isolement
Selon les données de l’INSEE Provence-Alpes-Côte d’Azur, environ 26 % de la population marseillaise a plus de 60 ans. Parmi eux, une part importante vit seule, parfois dans des conditions de grande précarité.
Les quartiers les plus touchés sont souvent ceux qui cumulent vieillissement, isolement, précarité économique et logements vétustes : Le Panier, Belsunce, La Belle-de-Mai, ou encore certaines zones du 11e ou 13e arrondissement.
Des signalements en hausse
Les pompiers, services sociaux, policiers municipaux et entreprises de nettoyage extrême rapportent chaque année une hausse du nombre d’interventions pour des logements insalubres liés au syndrome de Diogène. Ces interventions ne sont pas toujours médiatisées, mais elles existent bel et bien.
En 2023, selon les rapports de l’ARS PACA, on estime que plusieurs centaines de cas de Diogène sont repérés chaque année dans la métropole, souvent grâce à des voisins, gardiens ou syndicats de copropriété alertés par des odeurs ou des nuisibles.
Une prise en charge difficile
Le parcours de soin est complexe, car le refus de l’aide rend toute action longue et délicate. Les structures marseillaises comme :
-
Le SAMU social
-
Les CIAS (Centres intercommunaux d’action sociale)
-
Les services d’hygiène municipale
-
Les équipes mobiles gérontologiques
tentent d’intervenir, mais sans coordination forte entre les services sociaux, de santé et judiciaires, les solutions restent ponctuelles.
Pourquoi il est essentiel de mieux comprendre ce trouble
Le syndrome de Diogène n’est pas une pathologie spectaculaire destinée aux médias, c’est une souffrance humaine profonde. À Marseille, comprendre, repérer et signaler ces situations peut sauver des vies, littéralement. Il s’agit souvent de personnes en très grande détresse, piégées dans une spirale de solitude et de rejet, sans en avoir conscience.
Sensibiliser, pas stigmatiser
Le but n’est pas de juger, mais de comprendre les mécanismes de ce syndrome. C’est un cri silencieux d’une personne coupée du monde, à qui il faut tendre la main, avec patience, humanité et coordination.
Agir avec bienveillance dans une ville confrontée à de nouveaux défis sociaux
Le syndrome de Diogène est multifactoriel, difficile à détecter, et souvent mal compris. Il existe bel et bien à Marseille, dans tous les arrondissements, et concerne des hommes comme des femmes, souvent âgés, mais parfois plus jeunes aussi. Ce trouble nous interroge sur notre rapport à la vieillesse, à la marginalité, au logement, à la dignité humaine.
Marseille Diogène s’engage à informer sans juger, à expliquer sans dramatiser, pour que la ville prenne mieux soin de celles et ceux que l’on ne voit plus.