Législation et obligations : Comprendre le cadre juridique des interventions de salubrité publique à Marseille
Le syndrome de Diogène, tout comme l'accumulation compulsive, pose de véritables enjeux de salubrité, de sécurité et de santé publique. À Marseille, comme ailleurs en France, des dispositions légales permettent aux autorités publiques d’agir rapidement lorsque des logements deviennent dangereux pour leurs occupants ou pour le voisinage. Cet article vous guide à travers les principales lois, obligations des parties concernées, et les rôles des autorités locales.
L’article L. 2212-2 du Code général des collectivités territoriales : un outil central pour la salubrité
La base légale des interventions d’urgence en matière de salubrité publique se trouve dans l’article L. 2212-2 du Code général des collectivités territoriales (CGCT). Ce texte confère au maire des pouvoirs de police générale dans sa commune. À ce titre, il est responsable de la sécurité, de la tranquillité et de la salubrité publiques.
Parmi les pouvoirs accordés :
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Prévenir et faire cesser les atteintes à la salubrité publique
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Ordonner des nettoyages, désinfections ou dératisations
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Intervenir en cas de nuisances olfactives, prolifération d’animaux ou déchets dangereux
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Réquisitionner, si nécessaire, des interventions à domicile
Dans des cas extrêmes — tels qu’un logement envahi par des déchets ou infesté par des parasites — le maire peut ordonner une intervention forcée. Cette décision s’appuie généralement sur un rapport d’un agent de salubrité ou d’un médecin de l’ARS (Agence régionale de santé).
Le préfet et ses pouvoirs de substitution
Lorsque la situation dépasse les capacités ou les compétences de la commune, le préfet peut intervenir. Il dispose, en vertu de l’article L. 2215-1 du CGCT, de pouvoirs de substitution au maire, notamment pour des mesures plus larges de salubrité impliquant plusieurs communes ou lorsqu’il s’agit de situations de péril imminent. Cette démarche est plus fréquente dans les cas de logements sociaux insalubres, de squats ou de logements abandonnés.
Le préfet peut ainsi :
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Délivrer des arrêtés préfectoraux d’hygiène
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Lancer des enquêtes de salubrité à l’échelle départementale
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Imposer des obligations aux propriétaires négligents
L’obligation d’intervention des bailleurs sociaux
Les bailleurs sociaux, qu’il s’agisse d’OPH (Offices publics de l’habitat) ou d’ESH (Entreprises sociales pour l’habitat), ont une obligation légale de garantir la salubrité et la sécurité des logements loués. Lorsqu’un locataire est atteint du syndrome de Diogène ou laisse son logement dans un état mettant en péril le voisinage, ces bailleurs sont tenus de réagir.
Les obligations des bailleurs sociaux incluent :
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Réaliser des visites régulières
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Détecter les situations d’insalubrité ou d’accumulation pathologique
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Mettre en œuvre des mesures sociales d’accompagnement
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Faire appel à des entreprises spécialisées en nettoyage extrême
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Saisir les services sociaux ou le maire pour ordonner une intervention
Le manquement à ces obligations peut entraîner des responsabilités civiles et administratives. En 2021, une étude de l’INSEE a révélé que 8 % des logements sociaux en France présentaient des problèmes de salubrité significatifs, particulièrement en zone urbaine dense comme Marseille.
Les règlements de copropriété : une contrainte juridique locale
Dans les immeubles en copropriété, les règlements peuvent imposer des règles d’hygiène strictes. Ces règlements, adoptés en assemblée générale, ont valeur de contrat entre copropriétaires. En cas de manquement grave (odeurs pestilentielles, déchets accumulés, infestation…), le syndic de copropriété peut :
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Faire constater les désordres par huissier
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Engager une procédure judiciaire à l’encontre du copropriétaire fautif
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Saisir le maire pour qu’une procédure de salubrité soit engagée
Dans de nombreux cas, les copropriétés sont les premières alertées face à des situations critiques. La coopération entre syndics, communes et services sociaux est donc essentielle.
Le règlement sanitaire départemental des Bouches-du-Rhône
Le règlement sanitaire départemental (RSD) est un document juridique spécifique à chaque département, qui précise les règles d’hygiène à respecter. Celui des Bouches-du-Rhône (dont dépend Marseille) comprend des dispositions détaillées sur :
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L’entretien des logements et parties communes
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La gestion des déchets ménagers
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La prévention des nuisibles (rats, cafards, punaises)
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L’aération, la ventilation et l’évacuation des eaux usées
En application du décret du 31 mai 1983, les infractions au RSD peuvent faire l’objet de sanctions administratives et pénales.
Par exemple, l’article 23 de ce règlement impose à tout occupant de maintenir son logement dans un état de propreté ne nuisant pas à la santé publique. Le non-respect de ces règles peut justifier une intervention municipale d’office, avec facturation au propriétaire.
Procédures administratives d’insalubrité ou de péril
Deux procédures distinctes peuvent être engagées selon la gravité de la situation :
1. Procédure d’insalubrité
Elle relève de la compétence du préfet et s’appuie sur les conclusions du Service communal d’hygiène et de santé (SCHS). Elle est déclenchée lorsqu’un logement présente un risque pour la santé de ses occupants (moisissures, humidité extrême, manque de chauffage, saleté excessive...).
Si l’insalubrité est reconnue :
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Le préfet peut ordonner des travaux d’office
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Le logement peut être interdit à l’habitation
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Le propriétaire peut être tenu de reloger le locataire
2. Procédure de péril
Relevant de la compétence du maire, elle s’applique en cas de danger grave et immédiat (effondrement, structure instable, fuites électriques, etc.). Dans des cas extrêmes, cette procédure peut être cumulée avec celle d’insalubrité.
Le rôle central des services sociaux et médicaux
Souvent, les cas de syndrome de Diogène sont révélés par une intervention sociale ou médicale : aide-soignants, infirmiers à domicile, assistantes sociales ou voisins signalent une situation suspecte.
Les équipes médico-sociales jouent un rôle d’alerte, de médiation, et d’accompagnement des personnes concernées, souvent isolées et vulnérables. L’objectif n’est pas uniquement de nettoyer, mais de restaurer la dignité de la personne, parfois via une mise sous protection judiciaire (tutelle/curatelle) ou une hospitalisation.
Marseille : une ville confrontée à des enjeux de salubrité majeurs
Marseille, ville portuaire dense, aux contrastes sociaux importants, est particulièrement touchée par les situations de précarité, d’habitat insalubre ou de marginalisation. Le rapport INSEE 2023 sur les conditions de logement dans les Bouches-du-Rhône indique :
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11 % des logements sont considérés comme potentiellement insalubres
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4 % sont occupés par des personnes en situation de grande précarité
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Le 3e, 14e et 15e arrondissements sont les plus concernés
C’est dans ce contexte que la coopération entre les institutions (mairie, préfecture, bailleurs, services sociaux, justice) prend tout son sens. La réactivité des services municipaux reste cruciale, mais elle doit être accompagnée d’un suivi social humain, respectueux de la personne.
Que faire en tant que voisin, proche ou professionnel ?
Si vous êtes témoin d’une situation d’insalubrité, de syndrome de Diogène ou d’accumulation excessive à Marseille, voici les étapes à suivre :
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Signaler la situation au service d’hygiène de la mairie ou à l’ARS
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Informer le syndic (en copropriété) ou le bailleur (dans le parc social)
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Faire appel à une assistante sociale ou au CCAS (Centre communal d’action sociale)
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Rester bienveillant : la personne concernée ne perçoit souvent pas la gravité de la situation
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Ne pas intervenir seul : en cas de danger, appelez les secours ou la police municipale
Entre devoir légal et responsabilité humaine
Les textes juridiques permettent d’agir rapidement, mais ils doivent toujours s’accompagner d’un regard humain et bienveillant. Le nettoyage ne suffit pas si l’accompagnement n’est pas global. Le rôle de la loi est de protéger la santé publique, mais aussi de garantir le respect et la dignité des personnes vulnérables.
À Marseille, chaque situation mérite une réponse sur-mesure, combinant cadre légal, action publique et intervention sociale.