Guide des étapes d’un accompagnement respectueux face au syndrome de Diogène
Le syndrome de Diogène n’est pas seulement une accumulation extrême d’objets ou une négligence du lieu de vie. C’est souvent la face visible d’une souffrance profonde, liée à l’isolement, à des troubles psychiques ou à une perte de repères. L'accompagnement d'une personne touchée nécessite du temps, de la compréhension et surtout du respect. Voici un guide complet pour aider à intervenir avec humanité et efficacité.
Comprendre le syndrome de Diogène : bien plus qu’un problème de propreté
Avant toute intervention, il est essentiel de comprendre ce que vit la personne.
Le syndrome de Diogène se manifeste généralement par :
-
Une accumulation excessive d’objets, souvent sans logique apparente
-
Une négligence sévère de l’hygiène personnelle et domestique
-
Un isolement social extrême, voire un refus d’aide
-
Une déni total de la situation
Selon l’INSEE, ces situations concernent principalement des personnes âgées vivant seules, souvent en appartement, avec une perte de lien social aggravée par la précarité ou des troubles cognitifs. Pourtant, le syndrome touche aussi parfois des adultes plus jeunes, notamment en situation de rupture ou après un traumatisme.
👉 Il ne s’agit pas d’un simple choix de vie ou d’un comportement volontaire, mais d’un mécanisme de défense face à une douleur invisible. Par conséquent, chaque intervention doit se faire sans jugement.
Étape 1 : Créer un lien humain avant toute action
L’étape la plus importante est aussi la plus longue : établir une relation de confiance.
Pourquoi est-ce si difficile ?
La personne vit souvent dans le déni ou dans une peur viscérale du regard extérieur. Elle peut être méfiante, se sentir persécutée ou menacée, et rejeter toute aide perçue comme une intrusion.
Comment créer ce lien ?
-
Se présenter sans uniforme, sans posture d’autorité
-
Ne pas commencer par évoquer l’état du logement
-
Écouter sans interrompre, même si le discours semble confus
-
Valoriser la personne sur ses choix, son parcours, ses goûts
-
Ne jamais forcer une décision : la patience est une forme d’intervention
La première relation est souvent établie par un voisin, un médecin, un agent de la mairie ou un proche. C’est avec cette figure de confiance que doit débuter tout accompagnement.
Étape 2 : Impliquer la personne dans chaque étape, sans jugement
Redonner du pouvoir d’agir
Une des clés de la réussite est de réintroduire la personne dans les décisions. Cela peut passer par :
-
Lui demander son avis sur les objets à garder
-
Proposer de trier ensemble plutôt que de jeter brutalement
-
Lui permettre de conserver une pièce intacte si cela la rassure
-
Lui offrir des options : nettoyage progressif, rangement par zones, etc.
Ce qu’il faut éviter absolument
-
Jeter sans son accord
-
Faire une intervention surprise
-
Parler de manière condescendante
-
Dire que son logement est sale ou inacceptable
🔎 Selon une étude de l’Université de Bordeaux (2020), plus de 68 % des tentatives d’intervention brutales ont échoué, entraînant un repli aggravé ou un déménagement soudain sans solution.
Étape 3 : Faire appel à des professionnels spécialisés et coordonnés
Accompagner une personne atteinte du syndrome de Diogène ne peut reposer sur une seule personne ou une seule intervention. Il s’agit d’un travail pluridisciplinaire, avec des professionnels capables de comprendre la dimension psychique, sociale et matérielle de la situation.
Les intervenants à solliciter
-
Le médecin traitant : souvent le premier point d’alerte
-
Les services sociaux de la mairie ou du département
-
Un psychologue ou psychiatre, notamment en cas de suspicion de troubles associés
-
Une entreprise spécialisée dans le nettoyage post-syndrome de Diogène, habituée à intervenir sans traumatiser
-
Les associations locales d’aide aux personnes âgées, isolées ou en souffrance psychique
Importance de la coordination
Un plan d’intervention doit être établi avec la personne concernée, en lien avec tous les acteurs. Chaque étape doit être expliquée, datée, négociée.
L’objectif n’est pas seulement de nettoyer le logement, mais de reconstruire un équilibre de vie durable.
Étape 4 : Respecter le rythme de la personne et éviter la rechute
Le syndrome de Diogène est souvent chronique. Une intervention ponctuelle, aussi spectaculaire soit-elle, est insuffisante sans suivi.
Mettre en place un accompagnement dans la durée
-
Un suivi psychologique hebdomadaire ou mensuel
-
Des visites régulières de travailleurs sociaux
-
Un référent unique pour maintenir le lien
-
Des alertes douces si le logement se dégrade à nouveau
Selon les données de la DREES (Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques), 70 % des personnes accompagnées durablement ne rechutent pas, contre seulement 30 % lorsque l’aide est ponctuelle.
Étape 5 : Protéger la dignité et la vie privée
Il peut être tentant de documenter l’état du logement pour les assurances ou les autorités. Mais la personne reste titulaire de droits fondamentaux.
Règles d’or à respecter
-
Ne jamais prendre de photos sans autorisation
-
Flouter tout document comportant des données personnelles
-
Ne jamais diffuser d’images, même sur des groupes fermés ou à visée professionnelle
-
Parler de la personne en son absence avec respect, comme si elle était présente
Étape 6 : Prévoir l’après : logement, accompagnement, autonomie
Dans certains cas, le retour à domicile n’est pas envisageable. Il faut alors prévoir des solutions :
-
Relogement temporaire ou permanent avec accompagnement social
-
Entrée en EHPAD si l’état général est trop dégradé
-
Mise sous protection juridique (tutelle ou curatelle) en lien avec un juge des contentieux de la protection
Le travail ne s’arrête pas au dernier sac poubelle. Il commence à ce moment-là : reconstruire une vie digne, stable et humaine.
Étape 7 : Former et sensibiliser les proches, les aidants, les voisins
Le syndrome de Diogène crée un malaise, de l’incompréhension, parfois de la colère. Il est crucial de sensibiliser l’entourage, car ils sont souvent les premiers témoins et parfois les seuls à pouvoir déclencher l’aide.
Ce qu’ils doivent savoir
-
Ce n’est pas de la paresse
-
Ce n’est pas un caprice
-
Ce n’est pas irrémédiable
Ce qu’ils peuvent faire
-
Maintenir le contact, même minime
-
Alerter les services sociaux si le danger est manifeste
-
Ne pas culpabiliser la personne
-
Se faire accompagner eux-mêmes : il existe des groupes de parole pour les proches
Accompagner sans brusquer, aider sans imposer
Aider une personne atteinte du syndrome de Diogène, ce n’est pas l’obliger à changer. C’est lui tendre la main, avec patience, respect et humanité. C’est aussi accepter de ne pas tout réussir, de ne pas tout comprendre, mais de rester présent.
Le respect de la dignité, la co-construction du parcours et l’implication de tous les acteurs sont les piliers d’un accompagnement réussi. Marseille, comme de nombreuses grandes villes, est confrontée à ces situations. Il est temps d’en parler autrement, avec compassion et intelligence.