Guide pour identifier les signes du syndrome
Ce que cache vraiment l’accumulation extrême
Le syndrome de Diogène ne se limite pas à une simple négligence ou à une maison en désordre. Il s'agit d'un trouble complexe, souvent invisible, qui touche des personnes de tous horizons. Ce phénomène est bien plus fréquent qu’on ne le pense, y compris à Marseille, où l’isolement social, le vieillissement de la population et les inégalités peuvent favoriser son apparition.
Selon l’Insee, Marseille est l'une des villes françaises les plus concernées par le vieillissement démographique, avec un tiers de sa population âgée de plus de 60 ans. Or, le syndrome de Diogène touche majoritairement des personnes âgées vivant seules. Mais il n'est pas réservé aux seniors. Ce guide s’adresse à tous : voisins, proches, aidants, agents sociaux, ou simples citoyens inquiets.
Qu’est-ce que le syndrome de Diogène ?
Le syndrome de Diogène désigne un comportement pathologique qui se traduit par :
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Une négligence extrême de l’hygiène personnelle
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Un refus de tout soin ou aide extérieure
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Une accumulation massive d’objets, parfois de déchets
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Un isolement social prononcé
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Une perte de conscience ou de préoccupation pour les normes sociales
Contrairement aux idées reçues, ce n’est pas un choix. C’est une pathologie souvent liée à des troubles mentaux (troubles obsessionnels, dépression sévère, schizophrénie, troubles du spectre autistique, démence, etc.), à des traumatismes psychologiques ou à une perte de repères après un événement de vie difficile (deuil, perte d'emploi, séparation…).
À qui ce guide s’adresse-t-il ?
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Aux voisins ou proches qui remarquent un changement inquiétant dans le comportement d’une personne
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Aux professionnels de santé et du social en première ligne
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Aux gestionnaires de copropriété, agents immobiliers, bailleurs sociaux
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À toute personne vivant à Marseille ou dans ses environs et confrontée à une situation d'accumulation pathologique
Les signes du syndrome de Diogène à repérer
Voici une checklist détaillée pour vous aider à identifier les signes environnementaux et comportementaux.
Signes environnementaux à l’intérieur du logement
✔️ Accumulation d’objets dans toutes les pièces, même dans les couloirs ou sur les lits
✔️ Présence de sacs poubelles non évacués depuis plusieurs semaines
✔️ Aliments périmés, pourrissant dans le réfrigérateur ou à l’air libre
✔️ Odeur nauséabonde persistante
✔️ Invasion de nuisibles (rats, cafards, mouches)
✔️ Non-utilisation des installations sanitaires (douche, toilettes)
✔️ Moisissures, humidité excessive, insalubrité manifeste
✔️ Présence d’objets cassés, inutiles ou dangereux empilés
✔️ Absence totale de ménage ou de rangement, parfois depuis des mois
✔️ Logement rendu inaccessible, avec des chemins étroits entre les tas d’objets
Signes visibles depuis l’extérieur du logement
✔️ Odeur perceptible dans les parties communes
✔️ Invasion de nuisibles dans l’immeuble
✔️ Présence d’encombrants sur le palier ou dans les parties communes
✔️ Boîte aux lettres débordante de courrier non relevé
✔️ Refus d’ouvrir la porte ou d’échanger avec les voisins
Signes comportementaux de la personne
✔️ Isolement social total, refus de contact avec autrui
✔️ Apparence physique négligée (cheveux sales, vêtements souillés)
✔️ Déni de la situation, colère ou agressivité à toute tentative d’aide
✔️ Comportements obsessionnels ou paranoïaques
✔️ Trouble de la mémoire ou confusion
✔️ Justifications délirantes sur la nécessité de conserver tous les objets
✔️ Discours incohérents ou décousus
✔️ Dépression sévère, apathie, repli sur soi
✔️ Refus de soins médicaux ou d’accès à l’aide sociale
✔️ Antécédents de traumatismes psychiques ou de perte brutale
Pourquoi agit-on souvent trop tard ?
Le syndrome de Diogène reste longtemps invisible, car les personnes concernées vivent recluses, parfois pendant des années. Le trouble est souvent découvert à l’occasion d’un incident : dégât des eaux, odeurs, incendie, plainte des voisins, ou décès.
Le tabou social, le manque d'information, et l'absence de coordination entre services rendent difficile une intervention rapide.
Que faire si vous suspectez un cas de Diogène ?
Étape 1 : Observer sans juger
Prenez des notes précises des faits observés : dates, photos (si possible), nuisances, objets visibles. Ne vous engagez pas seul dans le logement sans évaluer les risques (sanitaires, psychologiques, structurels).
Étape 2 : Entrer en contact avec bienveillance
Si la personne accepte le dialogue, posez des questions simples, montrez votre inquiétude sans juger. Évitez les propos culpabilisants. Le lien humain est essentiel.
Étape 3 : Alerter les bons interlocuteurs
Selon le niveau d’urgence :
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En cas d’urgence sanitaire ou de danger (odeurs insupportables, infestations, risque incendie), contactez le Service d’Hygiène de la Ville de Marseille, ou les Pompiers (18 / 112).
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Pour une personne âgée ou vulnérable, appelez le Centre Communal d’Action Sociale (CCAS de Marseille) ou le médecin traitant si connu.
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En copropriété, alertez le syndic qui pourra diligenter une expertise.
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Vous pouvez également saisir le Procureur de la République en cas de non-assistance à personne en danger.
Agir collectivement : le rôle des voisins, des syndics, des bailleurs
Le syndrome de Diogène affecte la vie de tout l’immeuble. Voici ce que chaque acteur peut faire :
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Voisins : Signaler les nuisances de manière écrite (avec photos si possible) au syndic ou aux autorités
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Syndics de copropriété : Lancer une expertise hygiène, convoquer une AG si des travaux sont nécessaires
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Bailleurs sociaux : Mandater une visite sociale, alerter les services sociaux, proposer un accompagnement
Quelles sont les limites de l’intervention ?
Les droits fondamentaux (dignité, respect de la vie privée, inviolabilité du domicile) rendent l’intervention délicate. Sans décision judiciaire ou péril imminent, il est impossible de forcer l’entrée d’un logement, même insalubre. Il faut parfois attendre une ordonnance du juge, ce qui allonge les délais.
Marseille : une ville confrontée au défi de l’exclusion
Marseille, ville multiculturelle et populaire, compte des milliers de personnes isolées, mal logées ou en situation de précarité extrême. Le rapport INSEE 2023 sur la pauvreté note que près de 25 % des habitants vivent sous le seuil de pauvreté. Ce terreau social favorise les cas non détectés de Diogène.
Les quartiers les plus touchés sont souvent ceux à forte densité : Noailles, Belle-de-Mai, Félix-Pyat, Castellane, La Rose, Belsunce… mais le phénomène existe aussi dans les quartiers pavillonnaires ou bourgeois, de manière plus cachée.
Ressources et services utiles à Marseille
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CCAS Marseille : Accompagnement social des personnes âgées et en difficulté
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Centre médico-psychologique (CMP) : Suivi psychiatrique et psychologique gratuit
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Pôle Santé Mentale des Hôpitaux de Marseille (APHM)
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Services municipaux d'hygiène et de salubrité
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Associations d’aide à domicile et d’accompagnement psychologique
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Samu social / 115 : hébergement d'urgence
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France Alzheimer Marseille : accompagnement des troubles cognitifs
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UNAFAM 13 : soutien aux familles de malades psychiques
Ce que dit la loi : protection et limites
Le Code de la santé publique permet, en cas de risques graves pour la santé, une intervention d’office après signalement. Le Code de l'action sociale et des familles prévoit l’accompagnement social des personnes vulnérables.
Mais toute intervention doit respecter :
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Le consentement, sauf péril immédiat
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Le secret médical
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Le droit au logement
Prévenir plutôt que guérir
Le syndrome de Diogène ne se résout pas uniquement par un nettoyage. Il nécessite :
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Une prise en charge globale (médicale, psychologique, sociale)
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Un suivi dans la durée
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Une coordination entre familles, médecins, services sociaux et justice
Une action isolée (nettoyage, expulsion…) sans accompagnement mène souvent à une rechute.
Savoir détecter pour mieux protéger
Ce guide vous donne des clés pour reconnaître les signes du syndrome de Diogène et agir efficacement. Il ne s’agit pas de juger, mais de protéger les personnes en souffrance et de préserver la salubrité collective, en particulier dans une ville comme Marseille, où la promiscuité et l’habitat ancien rendent ces situations d’autant plus urgentes.
En agissant tôt, avec humanité, discernement et bon sens, on peut faire une réelle différence.